POÈMES
de
NORMANDIE


LE BONNET DE COTON

Sans souci des lois de la mode
Jadis dans nos vallons normands
D'une coiffure bien commode,
On fit usage fort longtemps.
Et, de fil, de soie ou de laine,
Cette coiffure, dit-on
Pour Jean-Pierre ou Madeleine
C'était un bonnet de coton.

On m'a dit que ma grand-mère
Qui le portait à ses quinze ans
Était belle sous lui naguère,
Bien qu'elle n'eut ni fleurs, ni ruban.
Surtout alors quand la fillette
Au vent, égrenant sa chanson,
Faisait voltiger la bouffette
Du petit bonnet de coton.

Quand elle épousa mon grand-père
A la noce furent admis
Chaque famille toute entière
Avec un grand nombre d'amis.
Et pendant trois longs jours de fête
Où l'on dansa maint rigodon
Elle s'en donna la bouffette
Des jolis bonnets de coton.

Mais bientôt les ans arrivèrent,
Les infirmités avec eux,
Les fameux bonnets se calmèrent.
Ils moururent, les deux bons vieux.
Et maintenant au cimetière
Qui domine le gai vallon,
Ils dorment dans l'étroite bière
Avec leur bonnet de coton.

Chez nous, on bénit la mémoire
Des pauvres gens trépassés
Car on trouva dans leur armoire
Des trésors par eux amassés :
Louis d'or à mainte effigie,
Brillants écus du plus beau son,
Toute une fortune blottie
Dans un vieux bonnet de coton.

Alphonse POUPÉE, in "Almanach Annuaire de l'Eure" (1920)