LÉGENDES
de
L'EURE


FONTAINE DE SAINTE CATHERINE

Un tertre recouvre la chambre voûtée où la source est prisonnière. Sur le gazon du coteau, la nymphe pleure sa liberté perdue : sa voix plaintive se fait entendre derrière les grosses pierres formant l'édicule.
Pauvre petite source, l'âme t'a faite captive et tu gémis avant de porter la fraîcheur au vallon. Console-toi, ton emprisonnement sera de courte durée, et le mince filet d'eau échappé de ton urne verra bientôt accourir des groupes de jeunes filles. Elles viendront sur tes bords demander à Sainte Catherine de leur donner l'époux désiré et jetteront dans tes ondes la parure ou les boucles de leurs cheveux !
C'est que la dévotion à Sainte Catherine est grande aux sources du Fouillebroc. L'image de la vierge chrétienne, placée dans la muraille de la fontaine, est toujours ornée de fleurs cueillies dans la prairie. Cependant nos modernes parthenos ne vont pas jusqu'à immoler à la sainte, ainsi que fit Achille aux mannes de Patrocle, leur chevelure entière. C'est un attrait de leur charme qu'elles veulent conserver.

Elles se contentent, le plus souvent de jeter dans le ruisseau les épingles qui retiennent les noirs cheveux ou les nattes dorées en récitant une prière dont j'ai retenu les strophes suivantes :

Sainte Catherine, chère patronne
Nous sommes à vos genoux.
À vous qui êtes si bonne,
Ayez pitié de nous.

Oui, nous osons le dire :
Nous voulons nous marier
Et c'est vraiment sans rire,
Que nous venons prier.

Nous voulons de l'amour
Goûter la joie profonde
Et prendre à notre tour
Notre place dans le monde.

Léon de VESLY - Légendes et vieilles coutumes (1903)