L'aube du lundi de Pâques, les petits clercs se réunissaient en troupe qu'accompagnait le curé. L'un des enfants tenait une clochette, un autre portait le seau à l'eau bénite, un troisième se munissait d'un panier en osier semblable à ceux que Pater et Fragonard placent, renversés, auprès des galantes fermières. La petite troupe ainsi armée s'en allait tintinnabulant sur cette longue route ou rue de Freneuse, bordée de cours plantées où se cachent des maisonnettes, s'arrêtant aux barrières des fermes pour demander des oeufs de Pâques.
Avant de franchir le seuil des chaumières et d'offrir l'eau bénite, les enfants chantaient le couplet suivant, sur l'air de la prose "O filii et filie" :
L'avare a mis sa poule à couver
C'est pour ne point nous en donner.
Un jour viendra, sa poule crèvera
Alleluia.
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Ils pénétraient alors dans la maison que le prêtre bénissait et offraient l'eau
sainte au fermier et à la fermière. Ceux-ci qui ne voulaient pas être taxés d'avarisme
prélevaient, sur les oeufs récoltés pendant les trois derniers jours de Carême, la
dîme des "clergeots".
Quelques fois, ils ajoutaient une pièce de monnaie, mais ils la jetaient dans le
seau à l'eau bénite.
J'ai cherché si l'acte de jeter la pièce dans l'eau bénite ne renfermait pas un
symbole et j'ai questionné à ce sujet tous les vieillards du pays. L'un d'eux,
une bonne dame, presque nonagénaire, que j'accablais de mes demandes, répondit :
- L'argent était ainsi placé dans le seau transformé en tirelire et empêchait le
porteur de dérober la part de ses camarades, car il ne pouvait atteindre une pièce
de monnaie sans plonger la main et la mouiller dans l'eau bénite, ce qui eut dévoilé
immédiatement le larcin.
Léon de VESLY - Légendes et vieilles coutumes (1905)
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