Le plus curieux des anciens usages est la procession du "loup vert" qui se fait
encore à Jumièges avec un cérémonial fort bizarre.
Le 23 juin, veille de la Saint Jean Baptiste, la confrérie instituée sous la vocation
de ce bienheureux va prendre au hameau de Conihout le nouveau maître de cette pieuse
association, qui ne peut être élu ailleurs. Celui-ci, autrement dit le "loup vert",
revêtu d'une vaste houppelande et d'un bonnet de forme conique, très élevé, sans
bords et de couleur verte ainsi que la robe, se met en marche à la tête des frères.
Ils vont, en chantant l'hymne de la Saint-Jean, au bruit des pétards et de la
mousquetade, la croix et la bannière en tête, attendre, au lieu-dit le Chouquet,
le curé qui, prévenu par le bruit, vient, entouré de son clergé champêtre, se réunir
à eux ; de là, il les conduit à son église paroissiale où les Vêpres sont aussitôt
chantées.
Un repas, tout en maigre, préparé chez le loup, et des danses exécutées
devant sa porte occupent le reste du jour jusqu'à l'heure où doit s'allumer le feu
de la Saint-Jean.
Après un "Te Deum" chanté autour d'un bûcher qu'ont allumé en cérémonie et au son
des clochettes un jeune garçon et une jeune fille parés de fleurs, un individu
entonne en patois normand un cantique qui rappelle la prière "ut queut
laxis".
Pendant ce temps, le loup en costume, ainsi que les frères, le chaperon sur l'épaule,
se tenant tous par la main, courent autour du feu en front après celui qu'ils ont
désigné pour être le loup l'année suivante. On conçoit que ces singuliers chasseurs
ainsi disposés, il n'y a que celui de la tête et celui de la queue de la file qui
aient une main libre, il faut néanmoins saisir et envelopper trois fois le futur
loup qui, dans sa course, frappe indistinctement toute la file d’une grande baguette.
Lorsque les frères s’en sont enfin emparé, ils le portent en triomphe et font semblant
de le jeter dans le bûcher.
Cette étrange cérémonie terminée, on se rend chez le Loup Vert en titre, on y soupe
encore maigre. La moindre parole immodeste est signalée par le son des clochettes
disposées auprès d’un censeur.
Ce bruit est l’arrêt qui condamne le contrevenant à réciter, debout, à haute voix
le Pater Noster. A l’apparition du dessert ou à minuit sonnant, la liberté la plus
entière succède à la contrainte, les chants bachiques remplacent les hymnes religieux
et les maigres accords du ménétrier du village peuvent à peine s’entendre à travers
les voix détonantes des joyeux convives.
Le lendemain, 24 juin, la Saint Jean Baptiste est célébrée par les mêmes personnages,
avec de nouvelles cérémonies. On promène un énorme pain béni à plusieurs étages,
surmonté d’une pyramide de verdure ornée de rubans. Après quoi, les clochettes sont
confiées, comme signes de sa future dignité, à celui qui sera le prochain Loup
Vert.
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